absolution

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Thésée

C'est une photo que j'ai faite lors de ma deuxième visite à Thésée pendant la prière du samedi soir.

Ma paire de sandales, qui avait déjà fait les Jihemjis de Rome l'année précédente, était en train de rendre l'âme. Il y avait un trou au niveau de l'attache qui reliait la semelle au système de lanières. Un trou pas trop grand car la chaussure tenait encore le coup mais assez grand pour qu'on puisse y glisser le petit cierge qu'on allume au cours de la prière du samedi soir.

 

Quand j'ai vu mon pied, ma sandale et la bougie, il y a eu un déclic dans ma tête et j'ai pris la photo pour immortaliser CET instant. Je l'ai développée ensuite. C'était l'époque où mon père amenait mes pellicules chez le photographe et puis me maudissait en sortant car je prenais toujours des photos improbables comme donc cette bougie dans cette sandale. J'ai payé une fortune pour tes photos bizarres. Cette photo a traîné sur mon mur car elle était absolument parfaite.

 

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12 ans plus tard, je suis donc revenue à Thésée.

A l'époque les gens avec des enfants se mettaient dans la dernière "chapelle" à droite. Alors on est entrés par là. Sauf que depuis ils ont construit une pièce spéciale tout devant à droite. Donc on s'est retrouvés au milieu des jeunes. L'église était pleine à craquer et je me suis rappelée qu'effectivement en été c'était plein à craquer.

Les jeunes étaient jeunes. Là j'ai béni le ciel d'avoir un enfant car sinon ça aurait été la déprime assurée. Genre 12 ans ont passé et moi je n'ai pas avancé. Mais là j'avais mon petit nain que j'ai fabriqué moi-même et en l'occurrence j'ai bien senti de manière positive le temps qui était passé.

 

L'Héritier a aimé les chants même si c'était beaucoup trop dur pour lui de pouvoir chanter dans tant de langues différentes. A la place il chantait "alleluia alleluia" sur tous les tons. C'était drôle. Il chantait fort et du coup tous les jeunes autour de nous se sont retournés, étonné d'entendre quelqu'un chanter si fort.

J'avais demandé à son père de le sortir pour le temps de silence. Evidemment son père a traîné, ne voulait pas partir, m'empêchant de prier et me donnant envie de lui dévisser la tête. Ils ont fini par sortir. Je me suis alors rappelée comme ce temps est difficile car tout le monde tousse ou rigole. La prochaine fois c'est moi qui sortirait.

 

Nous avons allumé nos bougies. Et là en voyant cette petite bougie dans ma main et mon pied en sandale en arrière-plan, j'ai eu un flash. J'ai revu cette photo d'il y a 12 ans qui a traîné sur mon mur si longtemps. Et j'ai compris. Qu'ici à Thésée, la connexion avec celle que j'étais et celle que je serais était assurée. Toute ma vie mon coeur aura 17 ans en venant ici.

 

Après être allée raccompagner Johm et l'Héritier à l'hôtel, je suis revenue pour aller prier dans l'église. C'était facile, c'était comme si c'était hier.

En regardant cette croix qui a changé ma vie, j'ai réalisé que pour l'année de mes 30 ans, j'ai visité tous les lieux saints, tous mes lieux saints. Quelle année extraordinaire quand même. J'ai remercié pour la vie que j'ai actuellement, belle mais vraie. Pour ne pas être morte à Melbourne. Pour avoir survécu à ma condition d'aventurière du quotidien ces cinq dernières années. Pour avoir avancé quand des fois j'ai l'impression que mes autres amies croyantes font du sur-place vu d'où je suis. C'était un excellent moment. Où j'étais bien. Pas de révélation mystique mais la paix du coeur.

 

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Un peu plus tôt, à la fin de la prière, j'ai rallumé mon portable pour avoir l'heure car nous voulions assister au feu d'artifice du bled d'à côté. Une fois renseignée, j'ai rangé mon téléphone dans mon sac. Il a alors bipé juste au moment où les frères entonnaient "Nada te turbe".

J'ai souri. J'ai eu une pensée pour ma soeur car j'étais persuadée que le message que je venais de recevoir était d'elle vu qu'on devait se retrouver à Péhélène dans deux jours.

 

20 minutes plus tard, en plein feu d'artifice, j'ai ressorti mon téléphone pour faire une photo dudit feu. Et là je me suis rappelée que j'avais reçu un texto à la fin de la prière.

Avant même de cliquer sur l'icône des textos pour voir ledit message et son destinataire, j'ai su. Que ce n'était pas de ma soeur. Que par une probabilité absolument incroyable, c'était un message de Romain.

Et effectivement c'était un message de Romain.

A 21h, un samedi 16 août, Romain m'a donc envoyé un texto pour me dire qu'il fallait que nous nous appelions pour fixer une date de réunion de rentrée urgemment. Une date qui est fixée depuis juin quand je l'ai forcé à la fixer en clôture de la réunion bilan.

C'est ce que j'étais en train de lui écrire quand je me suis rappelée qu'il était 22h20, soit une heure trop tardive pour envoyer des textos, que rien ne pressait car il pourrait attendre demain matin pour que je me moque de lui et de sa mémoire de poisson rouge et que surtout si j'avais sorti mon portable c'était pour FAIRE UNE PHOTO. Alors je fais cette photo et basta.

 

Deux heures plus tard, en revenant à l'hôtel après la prière de la nuit, j'ai découvert qu'il m'avait envoyé un autre message. Pour s'excuser de m'avoir dérangée car il venait de retrouver dans son agenda la date de la réunion qu'on avait déjà fixée, me souhaiter de bonnes vacances, passer le bonjour à Johm et blablabla. Romain à 22h30 un samedi soir n'a donc rien d'autre à faire que de m'écrire des textos fleuves.

Je lui ai quand même répondu le lendemain matin pour l'informer que je ne consultais pas mon téléphone après 20h (selon la formulation définie avec Téodora lors de l'affaire du texto de 22h20 à Rome) et lui demander un rendez-vous "pour commencer à travailler". (qui finalement se trouve fixé CHEZ LUI ce samedi à 13h, autant vous dire que je suis dègue de chez dègue).

 

Je trouve quand même tout ça très grandpatronesque. Notre seul contact de l'été se fait pendant que je suis à Thésée. Soit quand je suis le plus zen possible. NADA TE TURBE ma fille. Nada te turbe. Et ça marche.

 

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Le lendemain matin, après la messe dans le nouvel espace pour les enfants en bas-âge (absolument merveilleux où on entend et on voit tout sans déranger personne), je suis allée à mon rendez-vous avec Frère Tatou.

Oui car une des morales de ce retour, c'est qu'en fait, il y a 10 ans je ne m'en rendais pas compte, mais en fait à Thésée, Y'A DES GOSSES PARTOUT et tout est étudié pour que tu sois BIEN AVEC TES GOSSES.

Voilà je suis en amour avec cette communauté et c'est pour la vie.

 

Revenons à Frère Tatou.

Je me demandais si le passage des ans (la dernière fois que nous nous sommes adressés la parole c'était il y a 10 ans) l'avait rendu encore plus charmant ou pas. Mais en fait pas vraiment non. Frère Tatou avait un oeil qui louchait très légèrement il y a 10 ans, ça s'est grandement aggravé. Il porte des lunettes qui rapetissent son visage et l'enlaidissent. Très sérieusement pendant les trois premières minutes de l'entretien, je ne le reconnaissais pas du tout, j'avais l'impression de découvrir une nouvelle personne. Puis quand même à un moment il a souri de son beau sourire légendaire et là je l'ai reconnu. Mais il a pris un net coup de vieux, je doute qu'il ait autant de groupies désormais. Cela dit il a l'air super bien dans ses baskets, d'avoir pris du grade dans la communauté et d'être un type toujours aussi bien organisé et efficace donc moi j'ai dit banco.

Romain appréciera même le fait qu'il m'ait dit que l'aumônerie était prioritaire, que ma participation à l'organisation du rassemblement pour Thésée devait n'être qu'un plus qui ne s'impose pas à mes autres engagements.

 

Voilà Thésée c'était court, beau, paisible et intense.

On a rendez-vous l'année prochaine de toute façon pour le programme en famille (surpriiiiise).

Et puis j'ai une montagne de boulot qui m'attend pour eux, avec eux.



20/08/2014
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