absolution

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Parce que voilà

Les deux derniers jours avant le pélé, j'étais très nerveuse. Ces trois jours sans Johm m'angoissaient beaucoup. Au final, ils se sont bien passés car il y avait un élément que je n'avais pas anticipé : Romain n'a aucun lien hiérarchique avec moi pendant le déroulement du pélé, je n'ai donc aucune obligation de lui adresser la parole.

On s'est donc pas tellement côtoyés, vu qu'il avait ses jeunes à gérer et moi des tas de trucs à faire. Le mardi, on s'est pas vus de la journée (c'est le jour où je suis allée aux urgences). Le soir il y avait un spectacle et une chaise libre à côté de moi (prévue pour une meuf qui n'est pas revenue s'y asseoir) quand Romain est entré dans la salle. Il est allé se chercher une chaise pour se mettre à côté d'un séminariste que je ne connais pas, le message était assez clair.

Mine de rien ça m'a fait beaucoup de bien de réaliser que notre collaboration est un total accident. Naturellement nous sommes attirés par des choses et des personnes contraires.

J'ai passé ce spectacle à rigoler et chanter avec Soeur Pivoine, puis à verser quelques larmes quant au moment de l'adoration, une croix de Thésée est apparu sur l'écran.

 

Bien sûr, les choses n'ont pas été aussi simples.

Déjà parce que le samedi matin, j'avais reçu le mail de Frère Tatou et qu'il me semblait difficile de coordonner l'aumônerie et le rassemblement pour Thésée. Que dans la balance, on trouvait d'un côté "travailler avec Romain qui veut se concentrer sur les éléments motivés" et de l'autre "travailler avec Frère Tatou qui veut accueillir à Thésée des jeunes en situation d'exclusion". Et que mon choix était fait, c'était vraiment pas compliqué.

J'en ai parlé le dimanche après-midi avec Sylvie, ma copine animatrice. Je lui ai dit que "c'était trop tard" pour être coordinatrice parce que Thésée faisait appel à moi, que leur projet correspondait exactement à mes valeurs et que je n'avais pas envie de dire non à cause de l'aumônerie.

- Tu l'as dit à Romain ?

- Non pas encore. Mais je lui dirai avant la fin du pélé, ça oui.

 

J'ai vu Romain dans la soirée (il revenait de sa journée en paroisse) qui m'a sauté dessus pour me dire qu'il avait dit à la messe de la fête de Vildacôté que moi et Johm pensions à eux. Ca m'a hérissé tous les poils des bras. Du coup j'étais pas hyper motivée pour me lancer dans une grande conversation.

 

Bon le lendemain à midi, je me suis dit qu'il fallait se jeter à l'eau.

Romain discutait avec Serge. Je me suis approchée. En fait ils discutaient des problèmes de communication à l'aumônerie cette année et de comment les régler. J'ai exposé les idées que nous avons avec Sylvie pour améliorer tout ça.

Et puis très mal à l'aise, j'ai ajouté :

- Puis dès qu'il y aura un coordinateur, la communication sera plus facile car l'interlocuteur sera bien identifié

Les yeux de Romain se sont mis à briller et il a dit en rigolant

- Il y aura un coordinateur à la rentrée

- Ah bon tu as trouvé quelqu'un, ça y est ?

- Oui, oui, j'ai trouvé quelqu'un de super, je vais lui demander très rapidement.

Et là j'ai été prise d'un doute. Pendant une seconde j'ai vraiment cru qu'il y avait quelqu'un d'autre. Mais en même temps je voyais vraiment pas qui ça pouvait être.

Et là, voyez-vous j'ai béni le ciel d'être quelqu'un d'assez cash.

 

- Donc c'est pas moi ? Parce que si c'est à moi que tu penses, il y a du changement donc je voulais te parler justement.

Serge s'est alors senti mal à l'aise et a proposé de nous laisser. J'ai répliqué qu'il n'y avait rien de secret et qu'il pouvait rester.

 

J'ai donc expliqué à Romain le mail de Frère Tatou, le rassemblement de Thésée et leur demande. Il a fait une énorme grimace de dégoût à l'évocation du mot "Thésée", c'était vraiment plus fort que lui. Ensuite il m'a fait sa tête de petit garçon que personne n'aime en me disant "alors je ne peux plus compter sur toi ?".

- Je suis désolée Romain, je t'en ai parlé il y a 4 mois et je n'avais aucune nouvelle, tu as été un peu trop lent pour moi.

- Ah oui mais si je suis lent, c'est parce que je ne suis pas tout seul à prendre les décisions... tu comprends il a fallu que j'en parle avec les autres, ça a pris du temps parce que voilà mais maintenant ça y est c'est bon.

 

Nous avons continué à parler, Serge s'est éclipsé je ne sais même plus quand, puis Romain s'est lancé dans une grande tirade sur ses problèmes de communication avec les scouts et qu'est-ce qu'il faudrait qu'il fasse (j'en sais rien mon gars, pourquoi tu me demandes ça à moi ?) et Soeur Pivoine est venu le chercher pour lui dire que c'était l'heure de la prière des religieux.

 

"PARCE QUE VOILA".

L'explication donc de ces quatre mois de rien.

Quand il s'est exprimé, ça m'a frappé. Son incapacité à DIRE les choses.

"Parce que voilà" quoi ? Que veux-tu dire ? Qu'il va falloir que j'aille t'arracher les mots de la bouche pour avoir un semblant d'explication ? Et que tu espères que ça me donne envie de travailler avec toi ? Que tu espères que ça va me faire te préférer à Frère Tatou ???

 

L'après-midi, j'ai évidemment culpabilisé de le laisser tomber alors que je m'étais proposée au départ. J'ai ruminé ça pendant deux jours. Pendant la veillée du mardi soir, après mes larmes de joie, j'ai médité. Et je me suis dit que puisqu'il avait l'air de dire qu'il s'était battu pour m'imposer aux autres (enfin disons que c'est comme ça que j'interprète "parce que voilà"), je n'allais pas le laisser tomber. Mais que j'allais y aller mollo parce que Thésée passe avant tout le reste cette année.

Il m'a semblé aussi très important qu'il sache tout. Dans la limite de ce qui est dicible évidemment. Que mes insomnies m'étaient causées en grande partie par mes tentatives de communication avec lui. Alors toute la nuit, j'ai façonné des phrases dans ma tête.

Au matin j'étais arrivée à "travailler avec toi est une grande source de stress". Ca me semblait juste et vrai.



13/07/2014
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