Le mimi, le rara, le miracle
Cette escapade corse a eu deux conséquences très fortes. Une excellente et une mauvaise.
On va commencer par l'excellente aujourd'hui et la mauvaise quand je l'aurais analysée avec la psy.
Donc l'excellente.
Je suis partie en Corse avec ma copine d'enfance.
Un des gros challenges du séjour était de lui parler de Romain, mais genre VRAIMENT quoi (nan parce que sinon je lui en ai déjà parlé en tant que "mon responsable qui sert à rien"). Donc dans l'avion j'ai introduit les insomnies et en fait elle en a aussi (c'était un peu "le club des insomniaques à l'aventure en Corse" ce voyage) et bon bref c'était introduit mais je voulais pas parler de Romain dans l'avion.
On en a parlé le soir, autour d'un excellent cocktail.
Et j'ai réussi à lui raconter. Vraiment.
Et elle m'a bluffée. Elle a super bien compris la situation. Ca m'a vraiment fait du bien de lui en parler.
En parlant avec elle, j'ai reformulé ce que j'avais dit à la psy le vendredi (ça a été une séance mouvementée) et j'ai réussi à mettre des mots sur un des milliers de trucs qui ne vont pas avec Romain.
Sur son paradoxe de mec super tradi mais qui vient demander à son animatrice s'il faut qu'il vienne ou pas.
Et je me suis dit que j'allais essayer d'arrêter de plaquer sur lui mes idées de ce qu'est un tradi pour juste l'accueillir comme il est lui. Et que c'était plutôt positif qu'il me demande mon avis et que du coup il ne pouvait pas être aussi misogyne qu'on le dit.
Dans la nuit, après avoir mis mes tripes sur la table et les avoir bien touillées, évidemment, j'ai fait une insomnie.
Mais j'ai récité un chapelet et j'ai fini par me rendormir.
Le lendemain, nous sommes allés à la plage (c'est là que commence la mauvaise nouvelle). Il n'y avait que nous (moi, ma copine d'enfance et le gars (qui est ami avec ma copine) qui nous hébergeait)(que je cotoye depuis genre au moins 10 ans sans aucun malaise)(oui voilà, la mauvais nouvelle c'est que c'est toujours aussi fatigant d'être moi mais bref on a dit qu'on en reparlait une autre fois)(ou jamais en fait).
Après une tentative foireuse de baignade, on s'est juste allongés sur la plage et on a écouté les vagues. J'ai récité mentalement un chapelet. C'était un super moment.
Lundi matin, je suis donc allée à la messe à 8h30 comme prévu.
C'était merveilleusement merveilleux, le sermon intéressant, MON rituel qui me permet de prier, les petites mamies corses qui te donnent la paix du Christ avec le sourire, une très belle communion qui a uni mon corps et mon esprit, bref le pied total.
Tellement que je me suis dit que j'allais y retourner le lendemain matin, avant de repartir pour prendre des forces car le soir même m'attendait à 20h une réunion de couples (avec Romain) sur la sexualité.
Une heure après avoir atterri cet après-midi, dans le bus de retour, tout à coup tout le merdier romanesque m'est retombé dessus et m'a coupé le souffle.
Je suis arrivée à ma réunion en tremblant.
Quand je l'ai préparée pourtant je savais que j'allais dire des trucs beaux, j'avais bien préparé mon intervention pour la prière sur le corps et l'esprit.
Et surtout j'avais préparé une phrase importante.
Il nous était demandé de faire un point de mi-carême. Mon point était évidemment positif : sur la richesse de ce que j'ai lu sur la question du corps et de l'esprit et puis donc ma confession et ma nouvelle résolution : trouver un conseiller spirituel.
Quand j'ai préparé avec Johm, je lui ai fait part de mon dilemne : je sens bien que j'ai besoin d'un conseiller spirituel MAIS la logique voudrait que je choisisse un des trois prêtres de la paroisse. Ce qui est évidemment impossible au vu de la raison pour laquelle j'ai besoin d'un conseiller spirituel. Et je ne savais pas donc si je parlais donc de ma résolution mais sans évoquer le problème. Johm m'a encouragé à l'évoquer en parlant du fait que je "travaille" dans cette paroisse et pour moi cela n'est pas sain de travailler avec son conseiller.
J'ai donc suivi son conseil.
Au moment M, j'ai pris une grande inspiration et j'ai dit ce qui était prévu en regardant Romain dans les yeux.
Il m'a souri et j'ai compris qu'il comprenait tout à fait mes raisons. Il y avait aussi un peu de tristesse dans ses yeux et dans ma voix car je crois qu'en plus il serait un super conseiller spirituel carrément compétent. Mais c'est vraiment pas possible à cause du merdier.
Et là UN POIDS IMMENSE m'a quittée.
Je n'en reviens toujours pas en écrivant ces mots.
Je lui ai dit la vérité.
Je lui ai simplement dit que c'était trop difficile pour moi de travailler avec lui ET d'être sa paroissienne ET d'être son amie (et éventuellement son fantasme de crise de la quarantaine).
Quand est arrivé son tour, il nous a dit qu'il avait enfin commencé son Carême mais qu'il voulait aussi nous dire que ces quatre premières années de sacerdoce se déroulaient bien, qu'il était heureux et qu'il avait vraiment l'impression d'avoir répondu à sa vocation.
La Petite Voix s'est tout pris dans les dents, sincèrement c'était bien fait pour elle.
La prière qui a suivi a été un moment de communion très fort.
J'avais ma main dans celle de Johm et puis quand on chantait, j'entendais la voix de Romain et je savais qu'à ce moment-là il n'y avait plus que Jésus entre nous. Pas de Petite Voix, pas d'Adversaire (si tenté qu'il existe), juste Jésus. Et que cela était bon.
Et puis à la fin de la réunion, le miracle.
Je ne sais pas comment appeler ça autrement.
Tandis qu'on abordait donc des questions qui ne parlaient pas du tout de sexualité dans le couple, un des membres du groupe a demandé assez directement à Romain de nous donner son point de vue sur la question.
J'ai serré le bras de Johm en craignant le pire.
Mais alors je ne m'attendais pas ce qui s'est passé.
Romain a donné "sa" vision de la chose. J'étais d'accord avec lui de A à Z (et croyez-moi, ça arrive quand même assez rarement). Puis il a parlé de l'importance de la fidélité.
Votre fidélité inspire les autres. Votre fidélité soutient celle des autres. Votre fidélité me permet de vivre mon sacerdoce et d'être fidèle. Ma fidélité vous permet de faire de même.
Il m'a regardé plusieurs fois, comme il a regardé chacun des membres du groupe. Je ne sais pas si "c'était un message". Enfin si, je sais que c'était un message. Du Grand Patron. Je ne sais juste pas si Romain était conscient de la portée de ses paroles pour moi.
Mais je sais que mon coeur a pleuré de joie, que c'était beau, que c'était vrai, et que c'est ce que nous allons faire de ce merdier. Ne pas le laisser briser notre fidélité.
Puis quand on s'est séparés, il est venu me voir pour me parler de trucs en rapport avec l'aumônerie.
J'étais A L'AISE en sa compagnie.
Je ne me suis pas sentie comme ça avec lui depuis un bon milliers d'années (en fait ça fait juste un an que le merdier s'est déclaré).
Je sais que je ne suis pas "guérie", je sais que le chemin est long et semé d'embûches, que je vais peut-être encore vivre d'horribles moments en compagnie de Romain (ou d'un autre), que le merdier peut revenir à tout moment me paralyser mais ce soir je suis heureuse car j'ai vécu un vrai beau moment d'absolution.
J'ai posé ma croix au moins pour une soirée.
Et Dieu sait que cela est bon.