Le jour où Romain a essayé de m'acheter (sans qu'on sache trop ce qu'il voulait acheter exactement)
Je suis désolée, il va encore falloir parler de Romain.
(je vous jure que j'aimerais vraiment penser à autre chose)
Parce que là, la semaine dernière, il a fait très fort.
D'abord je vais raconter ce qui s'est passé samedi.
Parce que c'était coolissimo.
Donc samedi soir j'emmène les jeunes à un concert. Suspense toute la semaine car par une erreur dû à pleins de facteurs, j'avais plus de jeunes inscrits que de places. Et puis j'ai un animateur qui est tombé malade et j'ai trouvé une place en plus. Bref au final on était donc deux animatrices et Romain.
Jusqu'à la minute où je suis entrée dans la salle, je n'avais pas vu le danger venir.
Et puis donc une fois dans la foule, dans la salle, la panique.
JE VAIS PASSER DEUX HEURES COLLEE A LUI DANS LA FOULE, AU SECOURS.
Sur ce, mon téléphone sonne. C'est lui, il est dehors, il me demande où nous sommes pour nous rejoindre. Une de mes jeunes me demande qui est au téléphone (elle croyait que c'était un autre animateur), je lui explique que c'est Romain et qu'il va nous rejoindre. Puis Romain m'explique que l'entrée est gratuite pour lui alors il va revendre sa place.
LE GRAND PATRON SOIT BENI.
Le temps que Romain le grippe-sou ait revendu sa place, la foule était trop dense autour de nous pour qu'il puisse nous rejoindre.
3 minutes avant que le concert commence, la jeune m'a demandé
"Le Père Romain n'est pas encore arrivé ?
- Oh je crois qu'il ne nous rejoindra plus maintenant, comme il n'est pas très grand, il ne peut plus voir où nous sommes".
J'étais quand même un peu stressée car je l'imaginais bien fendre la foule et venir me taper sur l'épaule (OU ME PARLER DANS L'OREILLE COMME LA DERNIERE FOIS).
Sauf que.
Au bout d'une heure, une jeune avait la tête qui tourne et mal au ventre. Je l'ai donc accompagnée à l'infirmerie. En y allant on a croisé Romain (qui était vraiment proche de notre position en fait) à qui on a fait coucou de loin.
J'ai passé le reste du concert dans l'infirmerie.
A L'ABRI.
Des angoisses.
Ohlala vous avez raté tout le concert, c'est dommage m'a dit l'infirmière.
Les copains, le Grand Patron est tellement grand.
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Bon allez, on se jette à l'eau et on raconte un des moments les plus horribles et les plus absurdes de 2014. C'est parti.
Jeudi soir, je vais donc au presbytère pour compter mes places et surtout savoir à qui je dis oui pour le concert par ordre d'arrivée des demandes.
Romain et son chef sont là, à bosser sur le journal paroissial.
Le chef part pour une réunion. Je reste seule avec Romain. J'en profite pour lui parler d'une formation à laquelle je me suis inscrite en janvier et qui a l'air super pour savoir s'il est OK pour que je la propose aux autres animateurs. Il me dit que le sujet sensible c'est l'argent et que la paroisse ne pourra pas la payer. Mais sinon pas de problème.
Je ne sais plus si je vous ai parlé de la première fois où j'ai senti qu'il y avait quelque chose de pourri au royaume du Danemark.
J'étais animatrice depuis un mois et le grand responsable du département m'a envoyé une invitation pour une formation sur l'éducation affective et sexuelle des adolescents.
Ladite formation avait l'air absolument top. Mais elle coûte un peu cher (200€ les cinq jours) et à l'époque (j'étais au chômage) c'était absolument impensable que je me la paye.
Me voilà donc dans le bureau de Romain pour lui demander si la paroisse pouvait me la payer.
Sa réponse a été très claire : non.
Mais je n'ai pas compris ce jour-là si c'était "non la paroisse ne peut pas payer" ou "non cette formation est pourrie, je ne souhaite pas que tu la suives" ou "non je ne veux pas qu'on aborde ce sujet en aumônerie".
J'étais moi-même de toute façon extrêmement gênée de parler de "ça" avec lui.
J'en ai donc conclu qu'il ne souhaitait pas qu'on aborde le sujet en aumônerie, ça correspondait à mes clichés sur lui.
Un an plus tard, lors d'une session de notre groupe de couples sur le Synode, il dit qu'il trouve que l'éducation sexuelle c'est un sujet hyper important et il se tourne vers moi en me disant "mais je ne sais pas si on peut l'aborder avec nos jeunes, en tout cas j'aimerais bien".
Je tombe des nues. Je lui dis devant les autres qu'il a refusé l'année dernière. Evidemment il n'en a aucun souvenir et il vient vers moi pour en parler après coup (c'était en plus au moment où je l'harcelais deux fois par semaine pour qu'il planifie la réunion bilan et où je ne savais plus comment lui adresser la parole). Heureusement Johm sert de tampon et il me dit "ah mais c'était pas le sujet qui me posait problème mais cette formation".
Ah.
En début d'année, lorsque je planifie avec lui mes séances d'aumônerie pour l'année, je lui rappelle donc son souhait d'aborder le sujet de la sexualité avec les jeunes (enfin les plus grands). Et je lui dis que tout le monde m'a vraiment dit du bien de cette formation qu'il n'a pas voulu que je fasse.
Il tombe des nues.
"Ah mais c'est pas cette formation qui pose problème, c'est que la paroisse devait la payer".
AH.
Ah ben pas grave, je vais me la payer moi-même alors.
Appuyons sur la touche avance rapide.
On est donc à nouveau jeudi dernier, je suis devant mon écran en train d'envoyer aux parents la confirmation de réservation et l'horaire du transport de leurs enfants pour le concert et là SOUDAIN il me dit
- Au fait, pour ta formation sur l'éducation à la sexualité, tu vas pouvoir la faire, je vais te la payer moi.
- Mais il n'y a pas besoin que qui que soit me la paye, je peux très bien me la payer moi-même.
- Sisi, je vais payer moi, tu sais j'ai de l'argent et il faut bien que je le dépense.
- Non mais c'est TON argent, il est hors de question que tu le dépenses pour MA formation.
J'ai réussi sur le moment à occulter un maximum le sens implicite de cette conversation.
J'ai réussi à le garder en moi jusqu'à sortir du presbytère.
Une fois dans la voiture, je nous ai regardés en face et je n'ai vraiment pas aimé ce que j'ai vu.
Je crois qu'on a atteint à nouveau le point culminant de cette relation malsaine entre nous.
TOUT dans cette situation est mauvais.
Et je nage dans le brouillard le plus total.
Quand il fait jour, les choses me semblent très simples. Il est hors de question qu'il paye cette formation avec son argent personnel. Je ne peux pas accepter ça.
Dès qu'il fait nuit, je suis en panique.
Tout tourne dans ma tête, je ne sais plus ce qui est bien ou mal. Délirant ou sensé. Je suis complètement perdue.
Qu'est-ce que ça signifie sur nous actuellement. Qu'est-ce que ça changerait dans notre relation. Qu'est-ce que ça signifie sur lui et sa place dans ma vie. Et surtout la place qu'il a l'air de désirer avoir dans ma vie.
Peut-on refuser un geste généreux et sympa ? Est-ce que je dois le laisser essayer d'acheter mon amitié ? Est-ce que je peux juste profiter de son fric pour faire une formation dont j'ai envie puisqu'il est assez bête pour me le proposer ? Est-ce qu'il est mal que je me fasse "entretenir" par lui ? Qu'est-ce qu'il attend de moi en échange ? (ta gueule la Petite Voix, on t'a pas sonnée)
Est-ce que je suis complètement folle de trouver ça inconvenant qu'il me fasse cette proposition ?
Est-ce que je suis complètement folle de ressentir qu'il veut m'acheter ?
Est-ce que je suis complètement folle de ressentir qu'il veut m'acheter sans savoir d'ailleurs ce qu'il veut acheter au juste ?
Est-ce que je suis complètement folle de le trouver répugnant et d'avoir juste envie de m'enterrer dans un trou et de ne plus jamais en sortir ?
Est-ce que je suis complètement folle de me sentir un peu flattée par son désir ? (le désir de m'aider hein, on va essayer de ne pas ouvrir la boîte de Pandore ce soir).
Est-ce que je suis complètement folle de me dire qu'il a désiré me dire que c'était LUI qui allait payer ? (c'est ma copine d'enfance qui a remarqué ça, "mais il est con, il aurait pu juste te dire que ta formation allait être payée sans être explicite et toi tu aurais cru que c'était la paroisse et lui il la faisait sa bonne action")
Quand il fait jour, j'ai de la chance, la formation n'est pas encore programmée pour cette année, donc NORMALEMENT il sera parti quand je m'inscrirai et il ne pourra pas la payer POUR MOI.
Quand il fait jour, je me dis que ça n'arrivera jamais.
Dès qu'il fait nuit, je ne sais plus rien.
Est-ce qu'il faut que je lui en parle ? Est-ce qu'il faut que je lui demande ses motivations avant de lui exprimer mes réticences et/ou mon refus ? Est-ce que j'ai le droit de lui dire que je ne veux pas qu'il fasse ça "pour moi" et/ou que je ne veux pas être son amie ? Est-ce que ça peut avoir l'air sensé qu'alors que j'ai tout décalé mon départ à Thésée pour POUVOIR L'EMMENER LUI (et il l'a compris) je puisse refuser maintenant cette faveur là ?
Il y a plusieurs mois, la psy m'a dit que j'étais une adulte et que c'était moi qui décidait maintenant quelle place j'avais dans mes relations aux autres (contrairement à un enfant qui est dépendant et inférieur aux adultes).
Mais là je suis dépassée. Et je ne sais pas comment faire pour revenir dans cette relation de travail pépère qu'on a jamais vraiment eu mais que j'aimerai tellement qu'on ait.
Demain matin je retourne au presbytère.
Je ne sais même pas si j'ai envie de le voir ou non (il commence à faire nuit).
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Ce matin, pour des trucs pour Thésée, je vais chercher mon téléphone dans ma voiture.
Je remarque alors que j'ai un message de Romain.
Qui date de la veille (un dimanche), 15h19.
LE GRAND PATRON SOIT LOUE que je n'ai pas eu mon téléphone sur moi hier à 15h19.
Car à 15h19 j'étais en plein repas familial pour mon anniversaire.
Tu sais combien de femmes de ma famille très pratiquante et engagée reçoivent des textos d'un prêtre à 15h19 le dimanche ?
ZERO.
Enfin si une, moi.
Le texte du message est très sympa, c'est pour me dire que la jeune qui était à l'infirmerie et que Romain a ramenée allait bien mieux quand il l'a déposée chez elle.
C'est un message très sympa.
A lire le lundi matin.
Sans ma mère pour pouvoir lire ce qu'il y a à lire sur mon visage découvrant que je viens de recevoir un gentil texto de Romain à 15h19 un dimanche.
MERCI GRAND PATRON.